Lors du second trimestre de grossesse, un diabète gestationnel peut être détecté chez la future maman. Prendre en charge ce diabète, comme celui qui peut être préexistant, se révèle crucial pour la bonne santé du fœtus et de la femme enceinte. Récemment, des chercheurs américains ont montré qu’un niveau élevé de glucose dans le sang pendant la grossesse empêche les cellules cardiaques du futur bébé de se développer normalement. Retour sur ces travaux publiés dans la revue eLife.
Le diabète influence la santé cardiaque du nouveau-né
Dans le monde, 8 nouveau-nés sur 1000 possèdent une malformation cardiaque congénitale. Même si les facteurs génétiques jouent un rôle prépondérant dans leur apparition, les facteurs environnementaux tiennent également une place importante. La principale cause non génétique à l’origine de malformations cardiaques chez le nouveau-né est notamment attribuée à un diabète maternel mal contrôlé.
Selon les études épidémiologiques, les enfants nés de femmes avec des épisodes fréquents d’hyperglycémie pendant leur grossesse, sont deux à cinq fois plus susceptibles de développer des troubles de la fonction cardiaque comparativement aux bébés issus de mère n’ayant pas de problème avec leur glycémie.
Jusqu’ici, les chercheurs n’avaient pas réussi décrypter les mécanismes cellulaires expliquant ce lien entre la glycémie maternelle et la survenue de maladie cardiaque congénitale.
Pour mener à bien leurs investigations, les chercheurs dirigés par Atsushi Nakano, professeur en biologie du développement à l’université de Californie à Los Angeles, ont exposé, in vitro, des cellules musculaires du cœur (cardiomyocytes) en développement à différentes concentrations de glucose.
Quelles sont leurs observations sur ces cellules cardiaques humaines mises en culture ?
Le sucre empêche la maturation des cellules cardiaques
Les cardiomyocytes exposés à de petites quantités de glucose se sont développés normalement.
A contrario, ceux mis dans des milieux de culture enrichis en glucose ont mûri tardivement ou de manière incomplète. Par ailleurs, ces cellules cardiaques ont généré un grand nombre de cellules immatures.
Que se passe t’il d’un point de vue biochimique ?
Pour les chercheurs, une forte concentration en glucose génèrent des modifications au niveau de l’ADN des cardiomyocytes. En effet, avec plus de glucose dans le milieu, les cardiomyocytes activent davantage la voie métabolique des pentoses phosphate qui génère des nucléotides, des éléments constitutifs de l’ADN.
À savoir ! La voie métabolique des pentoses phosphate est une voie métabolique du glucose dans laquelle il n’y a pas de production d’ATP. Cette voie produit, entre autres, du ribose 5-phosphate qui est précurseur de la synthèse des nucléotides, des acides nucléiques et de coenzymes. Cette voie est présente essentiellement dans le cytoplasme des cellules des glandes mammaires, du tissu adipeux, du foie et du cortex surrénal.
Ces perturbations provoquent alors un dysfonctionnement cellulaire et au lieu de se différencier en cellule mature, le cardiomyocyte continue à proliférer. Cet excès d’ADN, consécutif à un environnement trop riche en glucose, le pousse inexorablement à se multiplier mais pas à se différencier en cellule fonctionnelle.
Pour Atsushi Nakano, cette découverte est très encourageante car ses applications sont multiples.
En décryptant ce mécanisme cellulaire, il sera possible de :
- Mettre au point de meilleures méthodes de fabrication, en laboratoire, de cardiomyocytes à partir de cellules souches.
- Cibler la voie des pentoses phosphate pour générer davantage de cellules cardiaques matures dans le cadre des thérapies de médecine régénérative.
Julie P., Journaliste scientifique